Folia officinalis poursuit son cycle estival de dix articles d’introduction aux teintures de végétaux. La semaine dernière, nous vous avons présenté les avertissements d’usage concernant la pratique de l’extraction des principes actifs par solution hydro-alcoolique et ses aspects législatifs.

Il convient de retenir que

  1. cette pratique est essentiellement réservée à l’herboristerie domestique en autoproduction,
  2. que la transformation des plantes faisant partie de l’annexe 1 de la loi du 29 aout 1997, revue le 31 aout 2021 est interdite,
  3. que l’exercice de la médecine ou de la pharmacie sont réservés aux professionnels de ces secteurs,
  4. que l’alcool est soumis à accises,
  5. et que ce texte est un document pédagogique.

Cette semaine, nous allons aborder avec vous deux aspects extrêmement importants de la pratique de l’extraction hydro-alcoolique : la documentation et une introduction à l’acool.

La documentation

La documentation est essentielle et permettra d’obtenir des extractions efficaces. Évidemment, on ne se documente pas sur FaceBook, ni sur YouTube. Maintes fois, j’ai lu ou entendu : « mettre la plante dans un bocal, couvrir de gin ou d’un autre alcool de grain et attendre trois semaines ». Quelle tristesse de se contenter de méthodes aussi pauvres alors qu’une immense documentation de qualité est librement accessible, que ce soit en bibliothèque ou en ligne.

Quand on commence les alcoolatures, on se pose moultes questions.

Quel type d’alcool utiliser ?

Quelles plantes bénéficient d’une extraction à l’alcool ?

Quel titre d’alcool utiliser ?

Comment garantir une dose journalière minimale active ?

Existe-t-il une dose létale ?

Quelles sont les contre-indications ?

Quelles sont les interactions possibles ?

Une telle concentration de principes actifs est-elle nécessaire ?

Dorvault, L’officine, 15ème édition (1910)

En Europe, trois courants principaux sont accessibles : la tradition, l’école française de pharmacie et l’école allemande. L’avantage de l’école française -avec pour référence de base François Dorvault- est qu’elle est écrite en français. L’avantage des références allemandes, c’est qu’ils maintiennent une pratique intense de la phytothérapie (Homöopathisches Arzneibuch (HAB) est édité tous les ans). Son inconvénient majeur, pour nous francophones, est qu’elle est écrite en allemand. La tradition, quant à elle, devra systématiquement être confrontée à la recherche moderne scientifique.

D’autres sources de documentation importantes nous sont offertes : l’European Medicines Agency (EMA) et PubChem. Ces sites regorgent d’informations validées. Impensable de s’en passer lorsqu’on s’intéresse à l’herboristerie. Par contre, hormis un budget très confortable, rien à attendre de la Pharmacopée Européenne (Ph. Eur.).

Un incontournable francophone en termes de principes actifs : la Pharmacognosie de Bruneton ! Certes, il s’agit une fois encore d’un budget sérieux, mais il est à considérer sérieusement tant les informations contenues sont précieuses.

Les contre-indications sont aussi importantes à documenter : on l’oublie trop souvent, pensant que « les plantes, c’est inoffensif ». En français, Dubray est une excellente référence, fort accessible financièrement.

Je citerai dans ce document les HAB à titre d’exemples, privilégiant le Dorvault et ses quasi 1900 pages (le matériel et les compétences alors utilisées nous sont accessibles). Le Dubray, le Bruneton et les références de l’EMA et PubChem compléteront notre documentation.

Enfin, je m’en voudrais de ne pas citer le légendaire « Materia Medica » de Michael Moore : c’est un excellent condensé. Son immense qualité réside dans son accessibilité et son coté succinct. Il  présente cependant deux défauts : les mesures anglo-saxonnes d’une part, et d’autre part l’absence de références scientifiques.

Vous l’avez compris : l’herboriste doit croiser les données récoltables ! Certains auteurs privilégient la mise en évidence de la prescription, d’autres les principes actifs, et d’autres encore la recette.

Introduction à l’alcool

Alcool. Étymologie arabe pour un produit que les Égyptiens ont été les premiers à distiller. Ils cherchaient à extraire un glycoside cyanogène dans un but d’empoisonnement. Toute l’histoire de l’alcool est à cette image de ce pharmakon : remède et poison. Au point de faire l’objet de prohibition à plusieurs reprises et en divers endroits.

Appareil à distiller de Zosime (-300), Parisinus graecus 2325 fol. 81v, d’après M. Berthelot et C.E. Ruelle, « Collection des anciens alchimistes grecs »

Chimiquement, on parle d’alcools : des composés organiques qui ont en commun d’être miscibles dans l’eau et d’avoir l’un des atomes de carbone lié à un groupe hydroxyle (-OH). Beaucoup d’alcools sont toxiques et mortels. On utilisera donc uniquement l’alcool éthanol, seul admissible pour l’humain. Plus précisément, il s’agit d’alcool éthylique d’origine agricole contenant au maximum 96% d’éthanol, le maximum que l’on puisse obtenir lors d’une distillation fractionnée. L’idéal serait de disposer d’une distillation de fruits, ce qui relève du défi.

Non, on n’utilise pas de la vodka, du gin, du rhum, … et encore moins de l’alcool dénaturé : d’une part, le produit que vous composez doit répondre à un titre d’alcool précis pour l’extraction des principes actifs, d’autre part, vous pourriez être amenés à le consommer.

Alcool pur, Belgique 2021.

Quant à l’eau, on la choisira la plus pure possible : eau distillée, ou au pire, minérale la plus neutre possible. Nos eaux du robinet sont trop calcaires et sont chlorées.

L’alcool et l’eau se combinent bizarrement, malgré leur pH neutre. Ainsi, 100 ml d’alcool 96 % mêlés à 100 ml d’eau ne formeront pas 200 ml et ne titreront pas à 48 %. Cette caractéristique est à la source de nombreuses préparations domestiques surprenantes, du type limoncello à 50 %. Enfin, eau et alcool n’ont pas la même masse à quantité égale : inutile de recourrir à la balance.

Nous aborderons tout cela lors des prochains articles.

La semaine prochaine

La semaine prochaine, nous vous proposerons la lecture d’une recette type et nous tenterons de répondre à deux questions : pourquoi on utilise de l’alcool comme solvant et pourquoi privilégier un titrage plutôt qu’un autre ?

Références

BRUNETON J., Pharmacognosie, Lavoisier (Paris), 2016.

DORVAULT F., L’officine (15ème édition), Paris, Asselin et Houzeau, 1910. (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6143818x.r=dorvault%20officine?rk=150215;2)

DUBRAY M., Guide des contre-indications des principales plantes médicinales, Lucien Souny éditions, 2018.

European Medicines Agency – Herbal medicinals products (https://www.ema.europa.eu/en/human-regulatory/herbal-medicinal-products )

MOORE M., Herbal Materia medica, Southwest School of Botanical Medicine, 1995. ( https://www.swsbm.com/ManualsMM/MatMed5.pdf )

PubChem : ( https://pubchem.ncbi.nlm.nih.gov/ )

Zosime https://fr.wikipedia.org/wiki/Zosime_de_Panopolis

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