Suite de l’entretien avec Richard Monvoisin lors des 75 ans du Comité Para.
Dans cette deuxième partie de notre rencontre avec Richard Monvoisin, nous avons abordé ensemble l’avenir de l’herboristerie, l’enfer des bibliothèques et quelques concepts usuels dans le secteur des thérapies alternatives.
Nous avons eu aurons donc ces réactions à chaud face aux mots Big Pharma, Hildegarde de Bingen et quantique.
Quelle place pour l’herboristerie dans notre société, vue de Richard Monvoisin ?
Voilà, tu me poses une colle. Oui. Quelle place ? Quelle place ? Je n’arrive pas à… Je ne sais pas si ça va te plaire ou pas ce que je vais dire.
Peu importe ça. On n’est pas ici pour se séduire.
Si on dit… Oui, je suis d’accord avec toi. L’herboristerie, je pense que l’herboristerie à l’ancienne, avec une idée d’autosuffisance, je pense à un vœu pieux. A moins qu’on soit dans une jungle luxuriante où vraiment il y a plein de substances extraordinaires.
Je pense que l’idée que la nature a disposé, en France ou en Belgique, suffisamment d’essence pour qu’on guérisse toutes les pathologies, je pense que c’est un mythe. Et que non, on n’en est pas là.
L’herboristerie, moi j’y vois plus des vertus éducatives. Je me dis que c’est cool que les gens sachent qu’autour d’eux, il y a quand même des êtres complètement improbables. Donc quand tu coupes un bout et que tu replantes, tu repousses la plupart du temps.
Quand je regarde les arbres, j’ai l’impression de voir des extraterrestres. Je me dis que ça n’a rien à voir avec moi. Vraiment, on prend un doigt, on le plante dans le sol, il ne se passe rien.
Tu prends n’importe quel végétal qui pousse. C’est quand même fascinant et souvent on passe à côté. Et comme ce sont des plantes, qui est le mot un peu impropre, parce que tu as des plantes qui bougent.
On ne va pas dire plantes, mais tu as des plantes partout qui sont un petit peu méprisées par rapport aux animaux qui sont vachement étudiés. Se tourner vers la botanique, c’est plus passif, c’est plus indolent. Les gens ne pensent pas ça comme ça.
C’est tellement un spectacle permanent, qu’il y a un rapport au monde, qu’on peut cultiver un émerveillement avec ça déjà. C’est le premier truc que je trouve. Et après, on peut trouver des goûts.
Se dire, tiens, je cueille un bout de menthe poivrée qui est là. Tu vois mes gamins, je leur fais bouffer des pousses de sapin. Une baie de genévrier qui passe, tu la croques.
Ils essaient d’imaginer en faire une pharmacopée. Ou alors, je n’ai pas assez de connaissances, mais je pense que ce n’est pas possible. Et en soi, la pharmacologie a ses joies et ses travers monstrueux.
Je suis contre l’essentiel de leur façon de fonctionner. Mais l’idée de fabriquer des formes galéniques qui sont plus efficaces que d’autres. Prendre un comprimé plutôt que de brouter une botte de paille, je trouve ça pas déconnant. Le tout, ça serait que ça tombe dans le domaine public. C’est ça qui m’intéresserait. Et que ce soit un bien public, ces trucs-là.
Donc si tu me dis, est-ce que l’herboristerie, quelle est sa place ? En termes d’émerveillement du monde, je trouve ça génial. En termes culinaires, je trouve ça génial. En termes thérapeutiques, j’ai des doutes. De s’imaginer qu’on puisse être autosuffisant.
Et là où je suis inquiet, c’est que, cette part-là, d’herboristerie, qui pourrait encore avoir de l’intérêt, même thérapeutique, elle disparaît même dans les contenus d’enseignement de pharmacie en France. En tout cas, c’est comme pour les champignons. Les formations sont trop faibles, trop maigres.
Donc même nos références, les gens qui se servent de références scientifiques, ils n’ont plus le niveau. Donc quelqu’un qui voudrait, il n’y a plus que des gens comme vous, vers qui se tourner, vers qui se documenter.
J’ai évoqué tout à l’heure ta compassion, ta sympathie lorsque tu évoques ces thérapies alternatives. Cependant, un jour, tu nous as envoyé un mail en disant « Oui, mes chers camarades de chez Folia, tel livre, tel livre, tel livre, tel livre, qu’est-ce que ça fait dans vos rayons ? » Alors d’abord, on te remercie parce que c’était bien ciblé, c’était bien visé. On a créé une boîte qui s’appelle « La boîte du déni » où on branche tout ce genre de livres.
Toi-même, j’ai appris que tu faisais une collection maintenant.
Oui, j’ai au moins 3000 bouquins.
C’est un peu l’enfer de la bibliothèque. Je passe plus de temps à lire des livres un peu pourris que des livres bien, mais c’est pour bien connaître ce que je critique. Je lis Mein Kampf, je lis Les Bogdanoff, je lis Jean-Marie Pelt, je lis les œuvres du docteur Édouard Bach.
À propos d’Édouard Bach, on a donc le bouquin originel maintenant dans la bibliothèque et le tien…
Juste à côté.
Juste à côté.
C’est lequel ? C’est « Five Healers » ? Il y a plusieurs des bouquins.
Il en a fait plusieurs, Bach. Mais j’ai lu ça en 2007.
Et voilà, tu es donc maintenant adossé à ce livre.
Et on espère que celles et ceux qui vont se tourner vers le livre de Bach se tournent en même temps vers le tien. C’est notre rêve.
Mais tu vois, il y a des thérapies… Il y a des fois, on juge avec les yeux de maintenant, tu vois.
Quand je prends par exemple Hahnemann qui invente l’homéopathie, je ne peux pas tellement lui en vouloir parce qu’il est en 1798. C’est un contexte où on ne comprend pas très bien les vaccinations. Il y a les travaux de Jenner, ce n’est pas très clair tout ça.
Donc, qu’il crée ça dans ce contexte-là, ça fait sens, quoi. Ce n’est pas déconnant, tu vois. Edward Bach, quand même, on est en 1920. Le mec, il a une épiphanie. Dieu se révèle à lui lors d’un repas franc-maçon qui lui révèle que le monde est divisé en sept étapes psychologiques différentes. Ah, quand même, tu lui dis, dis donc, coco, tu pourrais aller lire un peu quand même parce que… En plus, il est dans un endroit où il n’est pas au fin fond du Soudan, quoi. Il n’est pas très loin de Londres. Il aurait pu quand même aller potasser un peu la psychologie naissante. Ça fait déjà 40 ans qu’il y a eu des publications dessus.
Cet état, ça fait très… C’est très cousu de fil blanc, cette histoire. Il aurait quand même pu un peu douter. Donc, j’en veux plus à lui, tu vois, qu’à Hahnemann, par exemple.
Alors, pourquoi je te dis ça ? Parce que tu me disais que le bouquin… Oui, j’ai proposé du défrichage dans vos bouquins, mais je ne me rappelle plus sur lesquels. Puis, des fois, c’est compliqué parce que tes bouquins, ils sont super bien sur le plan botanique, mais qui, quand même, des fois, hasardent des petites propriétés pharmacologiques un peu fantaisistes. Oui.
Donc, qu’est-ce que tu en fais ? Tu les gardes ?
J’ai rencontré un super… un petit guide des 100 questions qu’on rencontre le plus en officine, que les pharmaciens français rencontrent le plus en officine. Et c’est vraiment chouette parce qu’il y a plein de bons conseils basiques. Et malheureusement, à chaque fois, il y a une prescription oméopathique.
Tu prends, je ne sais pas, un rustica d’apiculture, et hop, c’est pareil, tu as des trucs qui partent en sucette. À chaque fois. Sur la propolis.
Il y a des maisons d’édition spécialisées pour ça.
On va terminer par un petit cadeau, Richard.
Mais tu m’as déjà offert la Gentiane.
Oh oui, mais…un autre.
Oh la vache. Qu’est-ce que c’est que ça ? Oh là là, une boîte.
Je te laisse à l’ouvrir. Et pendant que tu ouvres ce petit cadeau, je vais te demander ce qu’évoque cet anneau.
Je vais te faire marrer. Big Pharma, je n’aime pas trop ce terme, parce que tu as l’impression que c’est un gros bloc monolithique, alors qu’en fait, tu te tires tous dans les pattes à essayer de prendre des parts de marché. Je trouve que Big Pharma, ça pose mal le problème.
Tu as l’impression que c’est un groupe qui, dans l’ombre, ourdit du mal, tu vois. Alors que non, en fait, c’est des logiques capitalistiques qui sont à l’œuvre. Des fois, ça me fait penser à une phrase que j’avais chopée, je crois que c’était dans l’archipel du goulag de Solzhenitsyn, mais il y a longtemps, où il disait, on aime bien comme ça avoir des… Oui, il disait ça vachement mieux que moi. Mais on aime bien avoir des boucs émissaires, on aime bien se dire que, tu vois, il y a des méchants, tu vois, il y a des, je ne sais pas, des Rothschild, et puis des, je ne sais pas, George Soros, je ne sais pas qui. Mais en fait, ça nous permet d’éviter d’avoir à traiter ce qui est la part en nous qui fait ça. Mais en fait, la logique qui va amener une industrie pharmaceutique à faire du profit, c’est la même que moi, si je cours une promotion pour aller à Intermarché chercher une boîte de haricots, tu vois, c’est la même logique de court-termisme opportuniste fiduciaire, tu vois, je gratte un peu de sous, tiens, puis je me dis, tiens, je fais une affaire là, sans me rendre compte que les deux ou trois euros que je paye en moins, en général, ils ont été pelés sur le dos, et les gouttes de sang et de sueur de travail de pauvres gens qui sont sous-payés à des postes de caissiers ou de magasinières.
Et en fait, c’est que la somme de nos manquements nous poussait à l’extrême, ces industries, tu vois. Je pense que pour saboter ça, pour couper l’herbe sous le pied de ces logiques capitalistiques-là, il faudrait juste élaborer des biens publics à l’échelle mondiale, se dire que, en fait, la santé, ça ne devrait pas être un marché. La santé, ça devrait être, on devrait tous collaborer, il ne devrait pas y avoir de brevetage.
Tu sais, je me rappelle cette phrase de Jonas Salk, ça te parle, Jonas Salk ? C’est un des grands piliers de la vaccination contre la poliomyélite. Il se fait interviewer en 1962, je crois, par un journaliste qui s’appelait Edward Murrow, que j’aime bien, que j’avais lu après avoir vu un film qui portait sur lui Good Night and Good Luck, réalisé et joué d’ailleurs, entre autres, par George Clooney. Et Murrow, il lui pose la question, il dit, mais dites-moi, Salk, je crois que la phrase, c’est à peu près ça.
Il dit, mais qui c’est qui possède la patente, qui c’est qui possède le brevet du vaccin ? Et Salk, il dit, ben, personne. Il dit, comment ça, vous n’avez pas déposé le brevet ? Il dit, non, monsieur, on ne brevette pas le soleil. Respect.
Le mec, il aurait été multimillionnaire, tu vois. Mais sur le dos de qui ? Le mec, il a mis ça dans le domaine public. Bon, ben ça, je ne vois pas souvent des gens faire ça, renoncer à un intérêt personnel pour un bien collectif.
Je pense que ça va être ça, ça va être la seule façon de lutter contre des logiques capitalistiques. Donc Big Pharma, c’est nous, poussés à l’extrême, dans nos petits manquements. Ça te paraît clair, ce que je dis là ? Ah ouais, l’impideur, t’es gentil.
Attends, j’ai un mug, j’ouvre. J’ai un mug. « Gift is a chance », il y a marqué avec un symbole de pacifiste.
Gift is, c’est un jeu de mots, Gift is d’été, génial. Et derrière, il y a, Ile-de-Garde de Bingen. Ah, une illustration d’Ile-de-Garde.
Ile-de-Garde not dead. C’est parfait. Ah, j’adore.
Et il y a un autocollant de folia officinaliste. Ah, mais c’est parfait, j’adore. Merci.
Hiledegarde, ça t’évoque quoi ?
Ah, de mémoire, ça m’évoque avoir parcouru quelques-unes de ces lignes, donc une dame du XIe siècle, ouais, c’est ça, XIe siècle, on est en 1050, 1040, qui pose une des premières formalisations, on va dire, de la pharmacopée. Et elle, tu vois, elle n’en veut pas d’écrire des boulettes, c’est comme des gens comme Paracels, tu ne peux pas leur en vouloir. On est à l’époque où tu connais 15 propriétés pharmacologiques, tu crois que Dieu a mis tout ça à notre disposition.
C’est très théiste, c’est très religieux, Hildegarde de Bingen, Paracels aussi. Et l’idée, c’est que Dieu a mis à notre disposition des choses qu’il nous faut décrypter, c’est à nous de trouver la bonne essence, la bonne plante pour guérir tel ou tel mal, c’est très intuitif, c’est les rudiments médicaux, mais je ne peux pas lui en vouloir, il n’y a pas de système à l’époque de pharmacologie. Il me semble, on dit que c’est une des premières formalisations européennes, au moins, de la pharmacopée. Je pense qu’il y en a des plus anciennes, mais peut-être plus rudimentaires. En Chine, ça c’est certain, pré-colombien, peut-être. En tout cas, en Europe, je pense que c’est le système le plus vieux qu’on ait.
Oui, chez Follia, on préfère Trotula de Salernes.
Ah ouais, c’est plus vieux ?
Non, c’est la même époque.
Trotula, alors pourquoi vous la préférez, elle ?
C’est en Italie, c’est aussi une femme, ce n’est pas religieux, et l’École de Salernes ne s’est jamais occupée des religions, avec autant des médecins juifs, qu’arabes, que chrétiens.
Et alors, qu’est-ce qu’elle a écrit ?
Un corpus qui s’appelle le Trotula. Je te laisserai découvrir. Je suis heureux de t’en placer une.
Tu as fait ma journée, j’irai voir ça.
On termine par un dernier mot : Quantique.
Quantique ! Tu veux dire avec un Q.U.
Ah oui, pas le cantique à chanter.
J’imagine que tu veux m’emmener sur le terrain de la physique quantique.
Mais non, malheureusement, je veux t’amener sur le terrain du mot quantique utilisé dans toutes les thérapies.
Tu sais, il y a des mots comme ça qui sont un peu magiques et qui donnent un vernis de science auprès d’un public qui, comme il n’y connaît pas grand-chose, ça lui fait briller les yeux. Parce que les représentations que les gens ont du monde quantique, c’est des trucs assez fantasmatiques.
De ce que je sais du quantique, ça signifie qu’il y a un autre monde, ou en tout cas un monde microscopique dans lequel se passent des machins, des trucs qui sont non-duos. On peut être mort et vivant en même temps. Tu vois, des trucs très très vulgarisés.
Complètement appauvris. Et donc les gens se disent, si c’est comme ça au niveau microscopique, alors au niveau macroscopique, c’est pareil, ça expliquerait les phénomènes paranormaux,… . Ce qui est terrible, c’est que t’as des branches thérapeutiques qui sont emparées du mot pour saupoudrer un peu de magie sur des pratiques qui ont pratiquement pas de sens.
Le premier à avoir fait ça et en avoir fait des milliards de dollars, c’est Dipak Chopra, par exemple, qui est peut-être le plus grand promoteur de la médecine dite quantique. Quand tu la regardes d’après, elle n’a aucun sens. Alors ce qui est ambigu, c’est que, au fond, dans la vie, tout est quantique.
Quantique, ça veut juste dire, pour ceux qui se poseraient la question, ça veut juste dire qu’on se rend compte qu’au niveau des atomes, les quantités d’énergie qui sont échangées fonctionnent par paquets. On ne peut pas échanger comme une motte de beurre. Bonjour madame, je voudrais 43 grammes de beurre. Ben non, ça ne marche pas comme ça. C’est par paquet de 500, par paquet de 12. Mais tu ne peux pas demander n’importe quelle quantité.
Donc ça fait des quantités, des quantums, un quantum d’énergie. C’est pour ça qu’on dit que c’est une physique qui est quantique, c’est-à-dire qu’il y a des choses qui fonctionnent par pack, comme un pack de bières. Tu ne peux pas acheter une bière toute seule.
Et ça crée des problèmes qui ne sont pas complètement compris, mais dont on sait très bien se servir et dont on connaît les limites. Quiconque bosse un petit peu la physique quantique et la mécanique quantique, se rend très vite compte de la vacuité profonde des gens qui se revendiquent de la médecine quantique.
C’est un drame, parce qu’à ne pas avoir bien circonstancié l’usage d’un mot, on peut s’en servir. Mais tu sais, il y a d’autres mots comme ça. Nano, tu mets nano quelque chose, soit ils ont peur, soit ils adorent.
Il y a des mots comme ça qui sont triggers, qui vont déclencher de l’intérêt. Et nous autres scientifiques, on est un peu responsables des fois de ça. On joue des fois sur ça.
Quand on veut être connu, on va choisir un terme. Même quand tu prends les quarks au niveau atomique, il y a des gens qui vont donner des propriétés genre charme, beauté, des trucs qui… Après ils vont se mélanger entre le sens scientifique des choses et le sens commun. Et ça crée des incompréhensions.
Et je pense que malheureusement le lexique scientifique il doit être hyper précis. Il doit être hyper précis pour qu’on puisse pas lui faire dire autre chose que ce qu’il dit. Donc ça veut dire un langage précis, ça donne des noms en latin bien souvent.
C’est pour ça que l’inné, il a fait ça quand il a posé toute sa systématique. C’est pour qu’on arrête d’utiliser… C’est pas pour qu’on arrête d’utiliser du langage vulgaire, mais c’est que le jour où on veut être précis, tu me parles de quoi en fait ? Quand tu me parles de Jean-Ciana Loutéa, c’est pas Jean-Ciana Nicolas. Ou Jean-Ciana mon voisinat.
Qu’on se gourre pas. Donc c’est pas par dogmatisme qu’on essaie d’être précis sur les mots. C’est pour qu’on évite les confusions.
Quand vous voyez quantique, en dehors de de la physique et en dehors d’un IRM où vraiment ils utilisent la résonance magnétique nucléaire qui fonctionne de manière… En fait, dès que vous voyez le mot quantique, en première approximation, il faut fuir. Y’a rien à en tirer. Ou alors des effets placebo.
J’espère que j’ai déprimé personne.
Tu n’as déprimé personne et je suis toujours étonné qu’on soit prêt à croire à ces mots scientifiques glissés n’importe où, alors qu’on sait très bien qu’il n’existe pas de plante qui fait repousser les cheveux.
Mais non, c’est terrible ça.
Toi t’es chevelu moi, regarde ça.
Non, non, mais c’est juste pas à la même zone.
Ah bon, t’as une petite tonsure de… La tonsure de 18.
Ben ouais, on sait pas faire repousser les cheveux. Y’a plein de trucs qu’on sait pas faire. Voilà, et pourtant en fortune.
Je pense que les gens ils seraient contents, les hommes souffrant d’alopécies, les femmes, plus rares, souffrant d’alopécies, je pense qu’elles seraient contentes. Puis encore, chauve is beautiful, en vrai en fait, on s’en fout. Juste qu’on prend des coups de soleil en plus.
D’ailleurs, on sait pas quoi faire avec… Tiens, on m’a posé une colle l’autre jour. On me dit, ouais, le plantain frotté… Tiens, tu vas me dire, c’est l’occasion d’illustrer ce que c’est de l’herboristerie scientifique. On me dit, oui, je me suis piqué avec des orties.
Et alors je me frotte avec du plantain, je suis content. Est-ce que c’est vrai que le plantain… J’ai répondu ceci. Là, j’ai pas le temps de travailler le sujet.
J’ai pas le temps d’aller faire de la bibliographie. Mais, intuitivement comme ça, déjà, je suis embêté parce que des plantains… Plantanea ? Je m’en rappelle plus.
Plantago.
Plantago, il y en a… Je sais pas, 500 ? L’Encéolé et puis la commune, c’est les plus communes ici.
Mais déjà, il y en a 500. Donc déjà, se dire que tous les plantains font quelque chose… Ça, ça pue un peu du… du postérieur, si tu veux. Et puis après, je me dis, bon, pourquoi le plantain ferait quelque chose alors que là, on a affaire à des orties.
Les orties, il me semble que ce sont des petites capsules oblongues de verre qui, quand elles se pètent, te mettent un acide, qui doit être un acide formique ou acide, je sais pas, quelconque.
Donc je me dis, si je devais faire quelque chose, je mettrais plutôt quelque chose de basique.
Il me semble pas que… Je partirais plutôt sur un… Quelque chose de basique. Bon. Après, je regardais vite fait. Je me suis dit, tiens, mais peut-être que effectivement, c’est peut-être doux de passer juste une herbe fraîche, tout simplement, sur des brûlures. Et les gens ont extrapolé ça sur des piqûres d’abeilles et sur tout et rien.
Et que le plantain est une belle large feuille, facilement identifiable à proximité d’ortie.
Et donc je me dis, première approximation, bof. Mais en même temps, ça doit pas bien nuire puisque je crois que ça contient pas d’alcaloïdes ni des trucs bizarres. Donc, ben, grand bien te fasse en première approximation.
En deuxième approximation, il y a certainement un peu mieux. Si tu te fais piquer par une abeille, ça sera déjà pas la même. En plus, il me dit, oui, ça soigne aussi des abeilles, les guêpes, les… Les protéines des venins, des guêpes, des abeilles, c’est pas les mêmes.
Donc, les trucs qui vont tout guérir, ça me paraît toujours bizarre, quoi. Un truc unilatéral qui va soigner tout, un indice de doute. C’est bizarre.
Un autre indice de doute, c’est quand la même plante va avoir 15 propriétés.
Elle guérit les corps aux pieds, les hémorroïdes, tout.
Voilà, ça c’est toujours bizarre aussi.
Mais si on veut aller plus loin, il faudrait qu’on aille regarder les publications. Et ça, pour ça, il faut aller sur PubMed. C’est en anglais, c’est chiant. Il faut choisir les bons mots. Cochrane Institute.
C’est payant, mais il y a des chercheurs qui sont d’accord de filer leurs accès.
Ouais. Et il y a des moyens de pirater.
Enfin, il y a des moyens de pirater, ça. Il y a des moyens de passer par des systèmes où des gens ont pris des risques pour pirater le système de publication.
Moi, je trouve que c’est une chose légitime et juste, même si illégale. Donc, sachez-le que il y a même des gens qui vivent presque en clandestinité pour avoir fait ça et offrir au monde entier quasiment toutes les publications disponibles. Je pense à Mme Elbakian, par exemple, qui vit recluse quelque part en Russie, je crois, pour nous avoir offert ça, quoi.
Parce que l’accès à la connaissance, si il est payant, les pauvres, ils l’ont plus dans l’os que les riches. Et donc, les universités africaines rament plus que les universités états-uniennes. Et donc, ça crée encore des différentiels qui ne sont pas prêts de se résoudre.
Donc, libre connaissance, libre circulation des connaissances, des peuples et des connaissances. Ça serait bon. Les plantes, peut-être pas. Je ne sais pas s’il faut la libre circulation des plantes. Elles le font déjà d’elles-mêmes. Elles s’en foutent un peu.
C’est vrai qu’elles s’en foutent un peu. Mais c’est vrai qu’il peut y avoir des problèmes avec ce qu’on appelle un peu maladroitement des plantes invasives. Je pense aux bulleyas ou des trucs comme ça qui peuvent poser un certain nombre de problèmes.
Mais elles n’en poseront jamais autant, comme dirait le copain François Lasserre, le botaniste François Lasserre. Elles n’en poseront jamais autant de problèmes que nous n’en posons-nous comme espèces invasives partout. On fout le bordel partout dans tous les pays.
C’est nous le problème.
Je te remercie beaucoup.
Je t’en prie.
C’est un plaisir. On se revoit probablement.
En plus, tu m’offres des cadeaux.
Je suis gêné. Je suis payé par l’argent public pour faire ça. Ce qui fait que si tu m’offres des cadeaux privés, c’est de la corruption. C’est le début de la fin. Je le redonne au public. Je vais le donner. Je vais le mettre à disposition des étudiants dans la bibliothèque des sciences. Il va être là, dans mon bureau. Et qui aura besoin, s’en servira.
Je ne m’approprie pas complètement ton cadeau. Ça te va ?
Ça me va. Et le sticker, tu le colles sur la porte.
Sur la porte. De quoi vous avez besoin ? Il y a des gens qui vous rejoignent, d’adhérents, de bouquins.
On continue à avoir besoin de bouquins. On va avoir besoin d’espace. On a besoin de bénévoles et de gens qui nous rejoignent effectivement pour nous soutenir dans les permanences de la bibliothèque.
On a besoin d’éventuellement je fais appel via le podcast, d’universitaires en pharmacie, pharmacognosie, qui peuvent venir nous soutenir.
Ils ont déjà été sollicités ?
Ils ont déjà été sollicités et on sympathise.
Ça va, ils ne vous prennent pas trop de haut ?
Non.
C’est souvent le défaut chez nous autres universitaires d’être un peu vis-à-vis des initiatives un peu populaires.
Je n’ai pas rencontré de mépris de classe de type nous sommes plus intelligents que vous. Je n’ai jamais rencontré ça.
Au contraire, je pense aussi que c’est à la base d’aller frapper aux portes des universités et d’interpeller les académiques, comme on dit.
Et puis tu sais, il y a le monde des funghi, le monde des champignons, vous faites des ponts avec eux ?
Non, je ne connais pas. Le monde des funghi.
Le règne des champignons.
Oui, on a des amicologues très proches.
Il y a des levures, il y a tout ça, tout ce monde-là. Il y a les sols, il y a Marc-André Sellos qui a fait un livre qui s’appelle « L’origine du monde », je crois, sur les sols, qui est absolument improbable, absolument incroyable. Il y a tout à se rapproprier, il y a plein de choses à faire.
J’espère que les universitaires vont se pencher sur votre cas.
On l’espère. C’est un appel.
Merci, Richard.
Merci à toi, Nicolas. Salut à toute ton équipe. C’est cool.