J’ai acheté deux livres

J’en achète rarement, et là, j’en ai acheté deux de la même maison d’édition. Et dont le contenu est relativement identique. Le premier est titré « 450 fleurs », le second « 300 plantes comestibles ». Tous deux sont publiés par une maison bien connue dans le monde du naturalisme : « Delachaux et Niestlé ». Dans l’absolu, cette maison d’édition d’origine suisse offre des ouvrages de bonne qualité depuis près de 150 ans.

Je détenais « 450 fleurs » depuis quelques années, déjà, et je n’hésitais pas à le recommander. « 300 plantes comestibles » a été acquis en ce début d’été 2025.

Le prix

La collection « Les indispensables Delachaux » maitrise son prix depuis quelques années déjà : 14,5€ pour l’essentiel de l’offre. C’est l’équivalent de trois bières correctes en établissement moyen. Je ne me suis jamais senti floué face à ce tarif. Et si j’aime la stabilité à marée basse des prix D&N, je regrette cependant la disparition de la pochette de protection (certes en plastique, mais permettant une encore plus grande durabilité de ces robustes ouvrages).

Le prix des « 300 plantes comestibles » est intéressant si l’on considère que les éditions originales titraient de 18 à 25€. La réédition chez D&N aligne le tarif sous les 15€, comme pour les « 450 fleurs ».

Dans les deux cas, et surtout si l’on considère la durabilité de l’objet, j’en conclus que je suis satisfait de mes achats.

Et si je devais n’en choisir qu’un, ce serait lequel ? Dans une librairie, face aux deux ouvrages qui présentent le même tarif, je serais probablement bien embêté. Et il est peu probable qu’un client achète les deux.

Présentation

Quoique d’un format identique, les deux ouvrages ne pèsent pas pareil dans la poche : quasiment 100 grammes de plus pour « 450 fleurs », le hissant au symbolique demi-kilo. Ce qui le situe à l’équivalent d’une truite de près de 40 cm. C’est du sérieux !

Les lodiciquartes sont à peine adaptés d’un ouvrage à l’autre. Et c’est pareil pour la dernière page : très brève présentation des auteurs, de la source du papier, références d’éditions, responsables de traduction et de relecture scientifique éventuels, « charte Delachaux et Niestlé » et décharge de responsabilité.

Les rectos de couverture présentent une drupe composée pour l’un, un épi de corolles pour l’autre. Ces termes botaniques sont clairement présentés et brièvement décrits en quelques pages dans les deux ouvrages. Dans ces pages sont aussi présentées les diverses caractéristiques d’identification des végétaux : structure des fleurs, évidemment, mais aussi port de la plante, inflorescence, disposition, bord et forme des feuilles et types de fruits.

« 300 plantes comestibles » consacre en début d’ouvrage deux pages (illustration comprise) à des « Conseils pour la cueillette des plantes sauvages comestibles » dont deux trop brefs paragraphes dédiés à la préservation des espèces. En fin de bouquin, on trouve dix pages (illustrations comprises toujours) de recettes. Je m’en serais volontiers passé.

Toujours dans « 300 plantes comestibles », un chapitre est dédié aux plantes toxiques dont quatre pages d’introduction et quarante plantes présentées. C’est bienvenu pour éviter une confusion désastreuse durant l’identification.

Point de fioritures de tel type dans « 450 fleurs » : dès la première page, on est dans le vif du sujet. Les usages et l’éventuelle toxicité des plantes sont symboliques (par un crâne et des tibias croisés) ou anecdotiques. Le degré de préservation de l’espèce n’est pas ici non plus indiqué, mais la prétention de l’ouvrage n’est pas identique : l’objectif est l’identification et non pas la comestibilité (et sous-entendu le prélèvement).

Dans les deux ouvrages, une page présente une ou deux plantes. Les pages divisées sont dès lors moins grandement illustrées. Dans l’absolu, les illustrations des deux ouvrages sont limpides. Des schémas botaniques viennent appuyer des détails utiles à l’identification. Chaque espèce est présentée dans son habitat. Cependant, ce qui au départ est une grande idée se réduit à la surface d’un timbre poste. Ces photos de l’habitat de la plante sont purement inexploitables.

Teinture de tranche

Les deux ouvrages bénéficient d’une tranche colorée. C’est un principe d’édition que j’apprécie : il permet de sélectionner immédiatement le chapitre qui nous concerne, avant même l’ouverture de l’ouvrage.

Ainsi, « 300 plantes comestibles » sépare dans chacune de ses couleurs
• les fleurs à maximum 4 pétales,
• les fleurs à cinq pétales,
• les fleurs à plus de cinq pétales,
• les fleurs à symétrie axiale,
• les fleurs absentes ou insignifiantes,
• les arbres et arbustes,
• et les plantes toxiques.

« 450 fleurs » présente quant à lui une présentation quelque peu différente : dans la partie rouge, les fleurs rouges, dans la partie blanche, les fleurs blanches, et de même ensuite pour le bleu, le jaune et le vert (et brun). Vous la voyez venir, la subtile simplicité ? Ensuite, au sein de chaque couleur, symbolisée sur le bord extérieur de la page et en blanc sur fond de couleur concernée, on retrouve une identification florale traditionnelle :
• 4 pétales maximum,
• cinq pétales,
• plus de pétales ou composées,
• fleurs à symétrie axiale.
Même pour le daltonien que je suis, l’usage du livre est immensément facilité par cette simple correspondance des couleurs à l’observation.

Usage

Évoquons justement l’usage de ces deux bouquins. Comme dit plus haut, je possède le « 450 fleurs » depuis quelques années, et c’est le livre de botanique qui me sert le plus en extérieur et en voyage. J’ai pu constater quelques absences en milieu méditerranéen ; il n’y a que 450 espèces citées. Par ailleurs, les auteurs (Margot et Roland SPOHN) ont collaboré à un ouvrage plus complet, mais moins transportable : 870 espèces européennes sont citées dans « Quelle est cette plante ? » rédigé en collaboration avec Marianne GOLTE-BECHTLE aux éditions Ulmer en 2021. Ce défaut d’absence de certaines espèces sera similaire dans « 300 plantes comestibles » : la portabilité d’un livre nécessite certains sacrifices.

Mon espace d’usage principal, ce sont les berges des rivières wallonnes. Il est donc rare que je dispose de réseau pour utiliser un smartphone et les applications de reconnaissance. L’emploi du livre donc est nécessaire. Et puis, quand le promeneur glisse à l’eau par le toboggan d’un castor, le livre peut sécher. Ce qui n’est pas toujours le cas pour un objet électronique. De plus, la taille et le poids des ouvrages de la collection « Les indispensables Delachaux » permettent de les glisser dans la besace ou dans une grande poche.

Dans le même ordre d’idée, la bibliothèque de mon van a le volume d’une caisse de bouteilles de vin : je privilégie donc des ouvrages indispensables en format poche. « Les indispensables Delachaux » sont ici aussi extrêmement compétitifs.

Dans les deux cas, « 450 fleurs » et « 300 plantes comestibles » sont donc adaptés.

Par contre, je ne suis pas un grand consommateur de plantes sauvages comestibles. Et les comestibles que j’utilise, je les connais suffisamment pour me passer de l’étape de l’identification. Mais, je suis un promeneur européen curieux d’identifier la flore qui l’entoure. Dans ce cas d’usage, je miserais donc sur « 450 fleurs ».

De plus, mon usage des plantes pour leurs propriétés ne se limite pas à la comestibilité : matériau de construction, décoration, parfumerie, poison, … sont autant d’usages ethnobotaniques qu’il me plait d’explorer. Ici aussi, je privilégierais donc « 450 fleurs ».

A contrario, si vous explorez exclusivement la comestibilité des plantes sauvages, c’est probablement « 300 plantes comestibles » que vous choisiriez.

Et une flore ?

Oui, l’usage d’une flore botanique construite selon les standards académiques serait indiscutablement idéale. Que ce soit au travers des aspects du prix (en seconde main), de la portabilité (avec une besace plus grande), de l’inventaire, de la fiabilité, etc., une flore remporte haut la main toute comparaison. Mais je vous avoue que je n’ai jamais appris à utiliser une flore « académique » d’une part, et que cela dépasse dans bien des cas mes attentes et mes compétences, d’autre part. Et puis, j’apprécie les anecdotes liées aux plantes, ce qui est absent des flores. Enfin, je vagabonde dans toute l’Europe ; les flores académiques sont, pour la plupart, spatialement plus limitées que moi.

Je choisis donc de réserver l’usage des flores à l’étude en bibliothèque ; par exemple pour conforter l’identification d’un végétal en herbier à l’aide d’une loupe.

Pédagogie

Tout d’abord, je me connais : quand je circule dans le vaste monde végétal, je repère les fleurs. Ce sont elles qui attirent mon regard et qui activent le neurone « oh, qu’est-ce ? ». Je me questionne donc sur les plantes quand elles sont en floraison et la tranche de couleurs florales de « 450 fleurs » correspond parfaitement à ce constat. De plus, quand j’emmène des enfants ou des néophytes de la botanique dans la nature, ce système d’identification de la fleur par la couleur d’abord et la structure ensuite fait mouche. Les photos et schémas d’identification interviennent finalement dans un choix botanique très restreint et dans des pages voisines. Ce qui, en outre, permet de sensibiliser à d’éventuelles confusions dramatiques.

Rien de tel n’est autant exploitables dans « 300 plantes comestibles ».

Rédaction et préalables à l’édition

« 450 fleurs » a été rédigé par deux biologistes : Margot et Roland Spohn. Il a été traduit par Marie-Anne Tattevin et bénéficie d’une relecture scientifique citée : Elisabeth Trotignon, botaniste de formation et elle-même auteure de huit ouvrages édités…

« 300 plantes comestibles » a été rédigé par Berko Schröder et Christa Bagsten, formateurs en « vie au grand air ». Il a été traduit par Valérie Garnaud. Aucune relecture scientifique n’est citée.

Surprises dans « 300 plantes comestibles »

Le robinier faux-acacia (Robinia pseudoacacia, par endroit cité erronément pseudacacia dans l’ouvrage), malgré sa toxicité reconnue, est présent dans la catégorie « arbres comestibles ». Bien entendu, les auteur·es indiquent clairement dans le texte qu’il convient de ne consommer que les fleurs, au risque d’intoxication. D’accord, je comprends la logique. Mais alors, pourquoi classer l’if (Taxus baccata) dans les arbres toxiques, alors que son fruit (un arille) est réputé comestible si on n’en consomme que la drupe sans en croquer la graine ou encore en sélectionnant les pieds mâles (exempts de graines) ? Constatons que ça ne tient d’aucune raison ou logique.

Dans une moindre mesure de dangerosité apparente, l’aspérule odorante (Galium odoratum) est logiquement classée dans les plantes comestibles. Et la mention de la toxicité de la coumarine en grande quantité est bien mentionnée. On devine également, mais ici entre les lignes, qu’il convient de privilégier la plante séchée dans les préparations traditionnelles, et plus précisément les sommités fleuries pour le célèbre Maitrank (vin aromatisé, appelé aussi vin de mai). Mais aucune mention de l’éventuelle présence de dicoumarol suite à un séchage trop lent (développement de moisissures de type Aspergillus qui oxyderaient la coumarine). Or, ce dicoumarol est un puissant toxique, inhibiteur de la synthèse de la vitamine K, et source potentielle d’hémorragies internes. Là, on ne rigole plus… Le séchage de Galium odoratum est donc une étape cruciale, tant pour le bénéfice des arômes que pour éviter une dangereuse oxydation. A contrario, le dicoumarol fournit un rodenticide efficace…

La balsamine de l’Himalaya (Impatiens glandulifera) est classée dans les comestibles. Certes, la graine est présentée comme présentant une saveur de noisette. Mais le risque de disséminer cette espèce inscrite à la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union européenne est immense, ne fut-ce que lors d’une récolte. De plus, selon la législation en vigueur dans votre pays, vous encourez de sérieuses sanctions ! Ainsi, en France, « Le fait de l’introduire volontairement dans le milieu naturel, de la transporter, la colporter, l’utiliser, la mettre en vente, la vendre ou l’acheter est puni par la loi française de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende (article L 415-3 du code de l’environnement français). » (Wikipédia). Sa présence dans les comestibles est-elle justifiable dans ce cas ? Pour tout dire, ce qui compte pour moi, concernant cette plante, c’est d’avertir de sa propension à envahir les milieux au détriment des autres espèces et que ses semences peuvent être projetée à plus de cinq mètres. Ça permet à l’observateur d’être immédiatement informé du problème et c’est justement ce que fait « 450 fleurs ».

Classées également dans les comestibles, consoude (Symphitum officinalis) et bourrache (Borago officinalis) font bien l’objet de la mention de présence d’alcaloïdes pyrrolizidiniques et d’un avertissement de consommation avec parcimonie. Dans l’absolu, ces plantes ne devraient pas être des ingrédients alimentaires (et ne peuvent plus entrer dans la chaine alimentaire en Belgique). Un usage exceptionnel décoratif reste toutefois acceptable.

Autre surprise : aucune mention d’intéractions médicamenteuses concernant le millepertuis (Hypericum perforatum) ! Pourtant, son intérêt nutritionnel et gustatif est très limité et sa capacité d’interactions immense.

Sur le ring

Alors, on embarque les deux ? Hors de question, je vous l’ai énoncé : l’espace est trop limité. Mais je pense qu’entre les lignes, vous l’aurez compris. Pour des raisons évidentes d’inutilité des recettes, de mon manque d’intérêt pour l’unique aspect comestible des végétaux, et l’alignement de données qui me font proprement tiquer, voire bondir, j’exclus désormais « 300 plantes comestibles » de mes indispensables. Par contre, pour des raisons de lisiblité, de vulgarisation de la démarche scientifique, de présence d’un glossaire et de pédagogie, « 450 fleurs » restera sous ma main pendant tous mes vagabondages.

Reste à voir si « 300 plantes comestibles » trouvera un public suffisamment critique et déjà aguerri à l’identification des végétaux.

Passez donc vous construire un avis propre à la bibliothèque : les deux bouquins sont empruntables.

Bibliographie

J. BRUNETON, Pharmacognosie, Lavoisier 2016

J. FLEURENTIN, Des plantes toxiques qui soignent, Éditions Ouest-France 2011

M. & R. SPOHN, 450 fleurs, Delachaux et Niestlé 2017.

C. BASTGEN, B. SCHRODER, S. ZURLUTTER, 300 plantes comestibles, Delachaux et Niestlé 2018.

Sites consultés

https://www.babelio.com/auteur/Elisabeth-Trotignon/71369
https://fr.wikipedia.org/wiki/Dicoumarol
https://fr.wikipedia.org/wiki/Balsamine_de_l%27Himalaya
https://fr.wikipedia.org/wiki/Delachaux_et_Niestl%C3%A9
https://www.editions-ulmer.fr/editions-ulmer/quelle-est-cette-plante-fleurs-sauvages-graminees-arbres-et-arbustes-les-reconnaitre-par-la-couleur-735-cl.htm

Article rédigé sans intelligence artificielle.