Introduction

Nos deux premiers articles consacrés aux alcoolatures de végétaux ont abordé les avertissements d’usage, quelques aspects législatifs qui encadrent cette pratique, des sources de documentation possibles et une introduction à l’alcool en tant que produit.

Aujourd’hui, nous rentrons dans le vif du sujet : comment lire une recette type, d’une part et une introduction à la question du titrage de l’alcool, d’autre part.

Lire une recette

Extrait de Herbal Materia Medica, Moore M., 1995.

Traduction : « Salvia (Sauge) Parties aériennes en fleur. Teinture de plante fraiche [1:2, alcool à 95 %vol], teinture de plante sèche [1:5, alcool à 50%] 30 à 60 gouttes, dans de l’eau chaude (diaphorétique) ou de l’eau froide (tonique). Infusion à froid ou décoction concentrée 60 à 120 ml. Statut : sauvage et cultivée. » Moore 1995.

La recette indique donc :

  1. le nom de la plante : Sauge (Salvia officinalis), (On peut regretter que Moore utilise essentiellement les noms vernaculaires des végétaux.)
  2. la partie de la plante utilisée : parties aériennes fleuries,
  3. des modes de transformation et des posologies, (teinture de plante fraiche 1:2, teinture de plante sèche 1:5 à 50%, eau chaude, au froide, infusion à froid et décoction concentrée pour notre cas)
  4. statut de la plante dans son environnement.

C’est le point 3 qui nous intéresse particulièrement, et les deux premières transformations possibles. Selon que la plante soit fraîche ou sèche, on utilisera un rapport de poids entre la plante et l’alcool (1:2 ou 1:5) et un titre d’alcool différent (95% ou 50%). Nous considérerons que 95% peut être équivalent à 96%, c’est-à-dire de l’éthanol pur : ce sont les normes commerciales qui influent, selon la provenance.

1:2 signifie que l’on utilise une part de plante fraîche pour deux parts d’alcool. Il s’agit de la masse, et donc, par exemple, nous utiliserons 50 grammes de sauge fraîche dans 100 grammes d’alcool 96%.

1:5, 50% signifie donc qu’une part de plante sèche seront macérées dans cinq parts d’alcool à 50%. 20 grammes de plante sèche nécessiteront donc 100 grammes d’alcool à 50%.

On utilise une plante fraîche ? Telle qu’on la trouve chez mère nature ? C’est une teinture mère. On utilise une plante sèche ? Telle qu’on la retrouve en officine ? C’est une teinture officinale. N’oubliez pas cette astuce mnémotechnique.

MOORE M., Herbal Materia medica, Southwest School of Botanical Medicine, 1995. 

La technique de la teinture mère préconisée par Moore (1995) est décrite en fin d’ouvrage. En voici une traduction perfectible :

TEINTURE DE PLANTES FRAÎCHES

« Une partie en poids de l’herbe fraîche hachée est trempée pendant 7 à 10 jours dans deux parties en volume d’alcool de grain (190 proof ou 95% d’éthanol) et pressée ou exprimée. Il n’y a aucune raison de mélanger ou de secouer cette macération ; la teinture se forme passivement à la suite de la déshydratation. L’éthanol extrait tous les constituants végétaux qui contiennent de l’eau, ne laissant que la cellulose et les tissus morts.« 

Trois questions se posent à ce stade : pourquoi utiliser de l’alcool, premièrement, pourquoi à ce titrage, deuxièmement, et troisièmement, comment obtenir de l’alcool à 50% ?

Pourquoi utiliser de l’alcool comme solvant ? Moore nous propose pourtant ici deux voies d’extraction aqueuses : l’infusion à froid et la décoction forte. De plus, la disponibilité et le cout de l’eau plaident en son avantage. Sans compter la brièveté des préparations aqueuses. Hélas, l’eau ne permet pas une longue conservation : quelques dizaines d’heures tout au plus. La teinture à l’alcool, bien conservée, se conservera plusieurs dizaines de mois, voire quelques années. Par contre, la préparation de la teinture ne permet pas un usage rapide du produit : il faut tenir en compte du temps de macération.

De plus, l’eau n’extraira de la plante que ses principes actifs hydrosolubles. L’alcool, quant à lui, extraira les principes actifs liposolubles, voire les deux catégories selon sa teneur en eau. Ainsi, dans le cas de la teinture de sauge, la teinture de plante fraiche pourrait être perçue comme « sans eau », et la teinture à base de plante sèche comme contenant « environ la moitié d’eau ». Cette observation nous amène à la deuxième question à propos de l’alcool.

Pourquoi privilégier un titrage plutôt qu’un autre ? Le titre alcoométrie volumique (TAV) est la proportion d’alcool éthanol dans un volume de liquide. Dans le cas des teintures, cela indique également le volume d’eau présent dans le solvant. Une plus grande proportion d’eau permettra une meilleure extraction des substances hydrosolubles. Une absence d’eau dans le solvant n’extraira que les substances liposolubles. C’est donc le titrage, et sa part d’eau, qui permettra de mieux choisir les éléments présents dans la teinture. Notons qu’un alcool à 96% contient toutefois 4% d’eau et qu’un titre sous les 40% ne garantit pas une conservation optimale.

Comment obtenir de l’alcool à 50% ? Moore nous recommande d’utiliser de l’alcool à 50% pour extraire la plante sèche. C’est à dire qu’il vise donc également l’extraction de principes hydrosolubles. Or, nous disposons d’alcool à 96%. Il va falloir réduire le titre de l’alcool grâce à de l’eau.

On pourrait croire qu’il s’agit de mélanger en parts égales eau et alcool. Or l’alcool et l’eau n’ont pas la même densité : l’alcool est plus léger que l’eau. Le problème est donc double ! Nous avons besoin d’une masse d’alcool correspondant à notre masse de végétal, et nous avons besoin que cette masse soit à un titre précis. Et c’est face à ce problème que la plupart des pratiquants répondent « Oh, c’est bon : je vais utiliser du gin ! ». Et pourtant, cette problématique n’a rien d’insoluble si on y met un peu de méthode.

Extrait de la table de Gay-Lussac

Pour titrer l’alcool, on utilise la table de Gay-Lussac, aussi appelée table de mouillage de l’alcool. Elle permet de savoir quelle quantité d’eau ajouter à l’alcool pour obtenir un titrage précis. Dans notre cas, il convient d’ajouter 98,15 ml d’eau à 100 ml d’alcool à 96% pour obtenir de l’alcool à 50%. Mais ça ne veut pas dire que nous obtiendrons 198,15 ml : nous obtiendrons moins !

Détendez-vous, nous allons utiliser quelques bases mathématiques : les unités et la règle de trois. Mais ce sera le sujet de l’article de la semaine prochaine.

Bibliographie du jour

MOORE M., Herbal Materia medica, Southwest School of Botanical Medicine, 1995. ( https://www.swsbm.com/ManualsMM/MatMed5.pdf )

La traduction perfectible du Herbal Materia médical de Moore est disponible sur le site de Althea Provence

La table de dilution de l’alcool de Gay-Lussac est disponible à cette adresse :

http://www.spc.ac-aix-marseille.fr/labospc/sites/www.spc/labospc/IMG/pdf/dilution-alcool-gay-lussac.pdf