À l’heure où l’on peut « tout » trouver en ligne, où les vidéos, les podcasts, les influenceurs santé ou même les IA génératives se multiplient, une question revient souvent : à quoi bon tenir une bibliothèque physique sur les plantes médicinales ? N’est-ce pas un peu dépassé, un peu obsolète ? Est-ce que ça a encore du sens aujourd’hui ?

Cette pensée m’est venue en discutant avec une bibliothécaire qui se reconnaîtra peut-être à l’occasion du Festival en Vrac – nous avons comme une impression de représenter le vestige d’une époque révolue, avec notre amour des (vieux) livres un peu encombrants…

La fiabilité des sources : un enjeu central

Sur Internet, on trouve tout… et son contraire (à parfois en perdre le nord, merci l’ère de la post-vérité). Entre recettes maison douteuses, conseils non vérifiés, et discours sensationnalistes mais sans fondement ni scientifique ni « traditionnel », il est difficile de faire le tri car tout semble de valoir. Aujourd’hui il suffit de quelques mots pour créer une image de toute pièce, de quelques lignes pour écrire un roman entier !

À l’inverse, beaucoup de livres sélectionnés dans notre bibliothèque sont choisis pour leur rigueur, leur clarté et leur sérieux : monographies de référence, ouvrages d’ethnobotanique, traités d’herboristerie, revue spécialisées… Notre collection et nos conseils sont un filtre de qualité face à l’infobésité numérique.

« Beaucoup » ne signifie pas « tous » : nous sommes incapables de garantir la fiabilité de tous les livres présents. Impossible pour nous de tous les évaluer (et de toute façon, qui le peut?). Toutefois, grâce à la multiplicité des références présentes en un même endroit, il est bien plus facile de recouper les informations 😉

Une parenthèse dans ce rythme effréné

Ce point est un peu lié au premier : s’il suffit de peut-être 30min pour créer un réel sensationnaliste de quelques secondes, il faut bien 10 fois plus de temps pour en évaluer le propos – et le mémoriser. S’informer correctement nécessite de prendre le temps, et parfois de faire une réelle parenthèse avec son quotidien, de rompre un temps avec les notifications qui nous assaillent et vident notre capacité d’attention de sa substance.

Ainsi, venir en bibliothèque, c’est faire une réelle pause. Parcourir un livre demande de se poser, laisser le temps aux idées de germer, aux connaissances de s’ancrer… Un geste presque militant dans un monde qui valorise la vitesse et le zapping.

Mémoires et visions

Les livres sont des traces durables, des objets avec lesquels on peut créer des liens même sensoriels. Ils peuvent transmettre une mémoire orale, des instantanés des connaissances d’une période donnée, d’une zone géographique délimitée… Ce sont des témoins d’époques et de traditions parfois peu visibles en ligne, et en cela nous pouvons parler de véritable patrimoine.

Dans notre bibliothèque, nous faisons notre possible pour protéger cette mémoire, diversifier les visions du monde, et permet à chacun·e de s’y plonger à son rythme.

Le plaisir de la rencontre

Se rendre à un lieu dédié à une thématique, c’est se donner l’opportunité de rencontrer d’autres passionné·es, des curieux·ses, des personnes en formation ou en quête de transmission. La pandémie a mis un coup d’accélérateur au « tout en ligne », et nous sommes nombreux à avoir souffert du manque de la présence des autres. Pendant que le numérique propose un projet ambitieux de partage décentralisé, universel, virtuel et horizontal des connaissances, les bibliothèques, à contre-courant, offrent un espace physique de réflexion et d’échanges, loin des messageries et de la pensée à 280 caractères.

Réduire sa consommation

Il n’est pas inutile de rappeler qu’emprunter un livre, ou du moins le consulter avant achat, c’est aussi un geste économique intelligent : certains ouvrages spécialisés coûtent cher, et on ne peut pas toujours se permettre de les acheter, ou même avoir la possibilité de le feuilleter en librairie afin de voir si le prix vaut le coup pour l’usage qu’on en aurait. Contrairement aux livres de vulgarisation (et encore), les ouvrages scientifiques ou pointus sur certains sujets désertent les rayons des librairies !
Une bibliothèque, a fortiori spécialisée, permet d’y accéder librement, et d’en emprunter pour une cotisation modique, sans se ruiner. C’est une ressource précieuse, partagée, et solidaire.

Le socle de notre engagement

Notre asbl promouvant une approche critique, documentée et éclairée des plantes médicinales, la bibliothèque est véritablement un outil central dans cette démarche, et complémentaire aux outils numériques. Elle permet de croiser les regards, les disciplines, les sources : ethnobotanique, phytothérapie, écologie, sociologie, histoire des savoirs… Nous avons créé et créons encore un espace d’émancipation intellectuelle et de réflexion collective.

Alors, est-ce qu’animer une bibliothèque spécialisée sur les plantes a encore du sens aujourd’hui ?

Réflexion faite : Oui, absolument ! 😀

Vous aurez peut-être envie de vous renseigner sur notre bibliothèque, les infos pratiques et le large catalogue ! Vous trouverez tout sur ce lien : https://folia-officinalis.be/la-bibliotheque-folia-officinalis/