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Interview de Sabrina
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Nous avons pu interviewer Sabrina, professionnelle de la préservation de la nature, pour mieux comprendre les règles de cueillette en Wallonie.

A l’heure où on enregistre cet épisode, c’est le printemps, la saison vraiiiiment propice à la cueillette sauvage. Mais peut-on cueillir toutes les plantes, partout, toute l’année ? Pour répondre à nos interrogations nous avons sollicité l’aide de Sabrina.

Liens et sources mentionnées dans cet épisode :

Bonjour tout le monde, bienvenue dans le podcast de Folia Officinalis, dans ce premier épisode qu’on va consacrer à la cueillette en Wallonie.

Alors Sabrina peux-tu nous dire qui es-tu ?

Eh bien je fais avant tout partie de l’équipe de Folia Officinalis depuis environ un an et demie, sinon professionnellement parlant je travaille dans la conservation et la préservation des espèces animales et végétales en Wallonie.

Voilà on ne va pas citer ton employeur mais tu es spécifiquement bien placée pour parler de la cueillette et de ses règles, et la première question qu’on va te poser c’est : peut-on cueillir en Wallonie ?

Oui on peut cueillir en Wallonie mais pas n’importe où ni n’importe comment ni n’importe quelle espèce, et pas n’importe quand également.

Donc on peut cueillir en Wallonie, tu me dis qu’on ne peut pas cueillir n’importe où n’importe comment n’importe quoi ni n’importe quand, mais QUI, qui peut cueillir en Wallonie ?

Tout le monde peut cueillir en Wallonie, c’est une activité qui est qui est vraiment accessible à toutes et tous ! Maintenant il faut un minimum quand même de connaissances, surtout en botanique afin de ne pas aller cueillir des plantes qui sont protégées par la loi sur la conservation de la nature, ou qui pourraient être potentiellement dangereuses.

Alors j’ai appris qu’en Wallonie il y a évidemment des espèces botaniques qui sont protégées, mais on assimile aussi aux protégés les menacées ?

Tout à fait !

Peux-tu nous dire, et aux auditeurs, où peut-on cueillir en Wallonie ?

Il faut vraiment différencier 2 espaces bien distincts qui sont l’espace public et l’espace privé. Je proposerais de commencer par l’espace public.

Oui bien sûr, et de quoi est composé cet espace public ?

Alors l’espace public est composé de forêts domaniales, de réserves naturelles, de berges et rives des voies hydrauliques, donc ces 3 zones (on va les appeler comme ça) sont gérées par le service public de Wallonie.
Il y a également les zones qui sont gérées par les communes et les provinces, par l’état fédéral et par la SNCB.

Ok ça fait pas mal de place, mais c’est difficile de s’y repérer. On va mettre évidemment en lien des cartes qui vont pouvoir nous aider à tout ça !
Dis, on ne peut tout de même pas cueillir dans tous ces espaces ?

Non non non bien sûr que non, on ne peut pas cueillir en réserve naturelle par exemple, que ce soient des espèces protégées ou même des espèces qui ne sont absolument pas protégées, en réserve naturelle la cueillette est totalement interdite.

Alors pour prendre un exemple concret, je m’en vais en Forêt de Soignes avec mon panier et je cueille…

Enfin la Forêt de Soignes c’est un c’est un cas un peu à part parce que c’est une forêt qui est à cheval sur les 3 régions de la Belgique, donc la région flamande, wallonne, et la région de Bruxelles-Capitale et donc là et bien la cueillette est interdite.

Qu’est-ce que tu pourrais donner comme conseils pour savoir si je peux cueillir dans la forêt ou l’espace qui s’offre à moi ?

Alors 2 possibilités s’offrent à vous ! Il y a des sites internet comme geoportail.wallonie.be, et si vous êtes sur le terrain et bien vous allez essayer de trouver un chemin. Donc vous allez emprunter ce chemin et en théorie au bout vous allez trouver une pancarte qui là va vous indiquer si c’est une réserve naturelle, une réserve privée, les périodes de chasse aussi (il faut faire très attention aux périodes de chasse aussi), donc voilà normalement vous devriez pouvoir y trouver des indications.

Le meilleur conseil qu’on peut donner à nos auditeurs c’est de se de rentrer dans l’espace convoité on va dire – c’est un bien mauvais terme -, dans l’espace prévu à prospecter par le plus gros chemin d’accès et là on va y trouver toutes les informations sur l’espace : le partage de l’espace par exemple avec les chasseurs, avec des activités de course VTT et compagnies.

Tout à fait !

Et à propos de chemin : peut-on quitter le chemin pour aller cueillir ce qu’on voit là l’œil du bord du chemin ?

En théorie non, maintenant il y a quand même une certaine tolérance si on reste à proximité des chemins.

Le chemin et les abords du chemin et ça ira ?

Tout à fait !

Toutes les espèces que je vois ? Je me doute que non hein…

Non bien entendu ! Il faut faire une différence entre les espèces protégées, les espèces partiellement protégées et les espèces qui sont menacées. Donc pour savoir si l’espèce que vous voulez cueillir est protégée ou non je vous invite à aller voir l’annexe 6A, 6B et 7 de la loi sur la conservation de la nature.

As-tu comme ça en tête une espèce qui est utilisée fréquemment en herboristerie et qui est protégée ?

Oui une espèce assez phare pour les dents des bébés qui est la guimauve !

Ah oui oui la guimauve, protégée en Wallonie, on ne la cueille pas donc ! Mais voilà dans le cas de la guimauve j’aimerais bien la mettre au jardin, et je me dis que je prélèverais bien un petit plant dans la nature, je le transporterais, je le mettrai chez moi… Je me doute évidemment que c’est interdit ?

Oui tout à fait c’est totalement interdit donc on ne peut pas la déraciner, même récolter des graines ou cueillir quelques fleurs ou quelques feuilles : c’est totalement interdit !

Donc là on n’a pas trop le choix que d’aller en en pépinière aller acheter des graines ou des plants de guimauves.

On peut cueillir toute l’année ?

Oui oui oui oui on peut vraiment suivre la saison la saison des plantes j’ai envie de dire.

Toute la journée, toute la nuit ?

Non la nuit on ne peut pas ! En fait on peut cueillir du lever du soleil au coucher du soleil.

Oui c’est ce qu’on dit souvent dans les milieux « chasse et pêche » qui sont un petit peu basés sur le même le même code d’origine : la nuit c’est pour les braconniers.

En termes de quantité de cueillette, est-ce qu’il y a des données sur les limites à ne pas dépasser ?

Alors dans les lieux où vous pouvez cueillir bien entendu et si cela ne concerne pas des espèces protégées, on peut cueillir un seau de 10 l, et ce tous les jours !

10 Litres par jours tous les jours ça laisse de la marche évidemment mais soyons raisonnables. Donc je suis dans l’espace public, on va dire une forêt domaniale, j’ai mon seau de 10 l et je cueille une espèce qui n’est ni protégée ni menacée, disons l’aubépine :  est-ce que je peux vendre cette cueillette ?

Alors non ça va rester à usage privé. Maintenant, des demandes sont toujours possibles auprès du propriétaire du site, il faut vraiment voir avec lui.

Donc c’est le SPW dans beaucoup de cas, communes et provinces ?

Tout à fait !

OK merci, et pour la vente comment est-ce qu’on peut faire alors ?

Dans ce cas-là il faut aller dans un espace privé.
Donc, avant d’aller cueillir, il faut bien entendu avoir l’accord préalable du propriétaire. Lui préciser alors dans ce cas-là que c’est dans le cadre d’une revente, donc il faut bien bien se mettre d’accord au niveau des termes. Et lui il peut vous donner l’accord par exemple de cueillir bien plus que 10 l sur votre journée !

Et est-ce qu’en espace privé je pourrais, là, cueillir des espèces menacées et protégées ?

Non toujours pas ! Peu importe que ce soit en espace privé ou public : une espèce protégée reste protégée.

Et dans l’espace public donc on a une forêt domaniale, je vois des beaux bouleaux et j’aimerais prélever la sève. Tu sais c’est pas mal cette sève de bouleau…

Tout à fait elle a beaucoup de vertus mais malheureusement non en espace public on ne peut pas récolter la sève. Encore une fois, on doit aller dans ce cas-là en espace privé.

Pour parler d’une autre star des plantes parmi les plantes… la gentiane ? Non je pensais à l’ail des ours, j’aimerais bien l’implanter dans mon dans mon jardin voilà et j’en ai vu. Est-ce que je peux prélever comme ça là ? Tu en vois dans un espace privé ? Non dans l’espace public, est-ce qu’on peut prélever les bulbes ?

Non non on en revient voilà on ne peut pas déraciner les plantes en espace public. Donc non on ne peut pas récolter enfin déraciner de l’ail des ours en espace public et aller le replanter chez soi. Maintenant si c’est un espace privé, qu’on contacte le propriétaire du site, là si on a son accord on peut bien entendu le faire !

Donc la sève et les bulbes c’est réservé aux prélèvements en espace privé, il n’est jamais question de le prélever en espace public.

Tout à fait, avec l’accord du propriétaire du site !

Bon voilà… J’en viens à toutefois enfreindre les règles que tu m’as bien expliqué que risque-t-on ?

Ah crac dedans !

Crac dedans quoi ?

Alors on risque des amendes qui peuvent être plus ou moins élevées, on risque la saisie du matériel et donc du véhicule y compris.

Maintenant si on se fait prendre par un agent du département de la nature, à savoir que ces agents sont des officiers de police judiciaire, ils peuvent dresser des procès-verbaux qui peuvent vous amener devant le procureur voire devant le tribunal.

Donc avoir de solides amendes, passer au tribunal, et je me doute que les récidives sont très grave ?

Tout à fait

Merci pour tous ces aspects précis en termes de législation autour de la cueillette, mais il n’y a pas que la législation, est-ce que tu as des conseils de l’ordre de l’éthique ou du comportement du cueilleur ?

Oui bien entendu, il y a quand même une certaine éthique à avoir quand qu’on va accueillir des plantes, quand même en laisser un minimum. Je pense que la bonne pratique veut qu’on cueille seulement 10%, c’est ça ?

Oui c’est ça on entend souvent la règle du tiers, mais si chacun prend un tiers, un tiers, un tiers…

Oui mais j’ai même entendu dire de cueillir 10% et de laisser 90% du tapis végétal. Comme tu dis si tout le monde vient cueillir il ne reste plus rien.

Et alors surtout j’aimerais bien préciser aussi que si on venait à consommer une plante, sous quelque forme que ce soit, et qu’on réalise qu’on a pas mal d’effets secondaires, etc, il ne faut surtout pas chipoter ! Moi je conseille vraiment d’appeler DE SUITE le centre antipoison (070/245.245).

Un bon conseil qu’on dit souvent lors des cueillettes et consommation de nos cueillettes c’est de conserver un exemplaire de la plante ou un échantillon de la plante ou du champignon – parce que la cueillette concerne souvent les champignons.

Oui tout à fait, d’ailleurs voilà tout ce qu’on a dit sur la cueillette des plantes, les champignons sont soumis aux mêmes règles – à part qu’il n’y a pas de champignons de protégés.

Allez je vais te poser comme ça 2-3 questions vite fait : j’ai envie de récolter de la sève de bouleau et d’en fournir à mes voisins à titre gracieux.

Alors ça dépend de nouveau de l’endroit où tu récoltes cette sève ! Donc si c’est dans un endroit public la réponse est non, tu ne peux pas même si c’est à titre gratuit ou pour ta consommation personnelle. Maintenant si tu es dans un terrain privé, là bien entendu, avec toujours l’accord du propriétaire, tu peux bien entendu récolter la sève.

Je désire récolter une petite quantité d’ail des ours, de quoi réaliser un pesto pour la maison.

Encore une fois ça va dépendre de la zone où tu vas te trouver, donc si c’est dans un endroit public et bien à condition de ne récolter que les feuilles et pas les racines (de toute manière on ne fait pas un pesto avec les racines), là tu peux récolter jusqu’à 10l par jour. Maintenant si tu es dans une zone privée, avec l’accord du propriétaire, tu peux récolter les quantités que tu veux.

Je désire prélever de la consoude pour réaliser des pommades domestiques.

Alors la consoude si je ne m’abuse c’est la racine !

Voilà ce sont les parties souterraines en effet !

La racine dans un endroit public non, on ne peut pas parce qu’on ne peut pas prélever les racines. Maintenant si c’est dans un endroit privé avec l’accord du propriétaire – je sais que je me répète beaucoup à ce niveau-là – là on peut.

Un grand merci Sabrina pour toute ces réponses à des questions élémentaires qu’on se pose en herboristerie, on va résumer : ce qui se récolte dans l’espace public c’est 10 l de parties aériennes et qui ne peuvent pas être destinées à la vente.

Voilà, par jour !

Bon c’est pas mal hein finalement 10 litres, on a de quoi faire pas mal de pestos ! Et en espace privé toujours avoir l’accord préalable des propriétaires.
Et puis il y a plein de cas particuliers qui viennent se greffer sur ces 2 bonnes bases…

Oui je pense notamment aux zones Natura 2000

Les zones Natura 2000, les réserves naturelles…

Les réserves naturelles c’est non, c’est juste non ! (rires)

Et ça on va réserver à un deuxième épisode de notre podcast.

1 Commentaire

  1. Chloé

    Précision suite à une discussion avec des membres :

    « Il est important de dire que zone naturelle au plan de secteur ne signifie pas réserve naturelle

    Extrait du fascicule de Natagora, page 2 :
    « LA ZONE NATURELLE N’EST PAS UNE RÉSERVE NATURELLE !
    La zone naturelle correspond à une des zones du plan de secteur définies par le Code Wallon de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme, du Patrimoine et de l’Energie (CoDT) alors que la réserve naturelle est une aire protégée au sens de la Loi sur la Conservation de la Nature (LCN). Un terrain peut donc avoir le statut de réserve naturelle quelque soit son affectation au plan de secteur. Un panneau peut indiquer la présence d’une réserve naturelle mais ce n’est pas le cas systématiquement.  »

    https://www.natagora.be/document/fiche-2-rw-la-zone-naturelle-au-plan-de-secteur

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