Décrire son métier, c’est cerner ses compétences, mieux les communiquer au public, et pouvoir mieux défendre ses intérêts, droits et devoirs. Dans le cas du métier d’herboriste, qui n’est pas protégé aux yeux de la loi belge, cela est d’autant plus crucial.
Comment légitimer nos compétences face à des personnes non formées qui surferaient sur la mode de la santé “au naturel”, face à des business à l’absence de scrupule? Aussi, comment se sentir légitime?

J’ai personnellement eu du mal à accepter de me définir comme herboriste, car au fond j’ai certes longtemps étudié les plantes et même travaillé dans le domaine (boutique en ligne) mais sans avoir ce contact avec la Terre que j’estimais primordial pour pouvoir me décrire comme telle, ou même cette expérience de “terrain” en herboristerie de comptoir, avec de réels échanges avec des clients. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, car ma vision a un peu changé, s’est élargie.

Avec cet article je ne prétends pas affirmer telle définition plutôt qu’une autre, mais plutôt faire un tour d’horizon sur les facettes du métier, ses différentes terminologies afin d’ouvrir le débat et peut-être donner quelques armes à ceux qui se battent pour sa reconnaissance 🙂

L’herboriste comme vendeur

Louise à L’Herboristerie de Louise (Saint-Gilles)

Il semble y avoir un consensus, du moins dans les dictionnaires – et donc dans la langue française normée -, pour définir l’herboriste ou herbaliste avant tout comme un vendeur.

Le Trésor de la Langue Française Informatisé repris par le CNRTL (Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales) définit l’herboriste comme suit :

“Personne habilitée à vendre des plantes médicinales. Vieilli. Personne qui connaît les plantes, se livre à l’étude de la botanique.”

Et nos bons vieux amis que sont le Larousse et Le Robert, plus récents :

“Personne non diplômée en pharmacie exerçant le commerce des plantes médicinales.” (Larousse)

“Personne qui vend des plantes médicinales, des préparations à base de plantes.” (Le Robert)

Dans ces trois références, l’accent est moins mis sur la connaissance, la culture que sur la vente, au point que dans les deux dictionnaires les plus communs c’est l’essentiel de la définition ! N’importe qui vendant des plantes peut donc prétendre au statut, c’est nier la longue expérience et/ou étude des plantes nécessaires pour tenir un tel commerce…

Même sur wikipedia (définition non sourcée), qui fournit un descriptif plus étoffé et global, la vente et la tenue d’un commerce est mise en avant :

« Un herboriste est un professionnel qui, dans une officine ou dans une herboristerie en ligne, vend des plantes médicinales et des préparations à partir de plantes médicinales et ingrédients naturels utilisées comme médicaments. Il fabrique des produits à la demande ou commercialise ses préparations en tant qu’indépendant. Avec une connaissance approfondie dans divers domaines des thérapies naturelles, il peut agir comme consultant en santé et bien-être. Un herboriste pratique l’herboristerie (science pratique) mais étudie l’herbologie (science théorique). » (Wikipedia)

(note : le mot “herbologie” est un néologisme qui n’existe que sur le wikitionnaire)

Ce que confirment les diverses formations reconnues en Belgique comme celles de l’IFAPME ou l’EFP : ce sont des formations en vente, qui fournissent les outils et la gestion nécessaire pour ouvrir son commerce. Mais ici, contrairement à ce qu’en disent le Robert et le Larousse, ce qui démarque un herboriste d’un vendeur de plantes est sa capacité à donner des conseils, à être une ressource. 

“La formation d’herboriste forme un professionnel du bien-être à part entière. En tant que détaillant, il assure le conseil et la vente de produits de bien-être, le plus souvent à base de plantes et de substances naturelles, voire issues de l’agriculture biologique.
Il veille à répondre très précisément à la demande du client par le choix d’un produit bien adapté, tout en étant conscient des limites d’utilisation et des risques liés à une utilisation abusive (personnes à risques, autres médications, etc.).
Le cas échéant, il est amené à dispenser des conseils d’hygiène de vie. Il participe à l’exposition attractive des produits en magasin et en vitrine.
Dans un contexte plus large, l’herboriste peut être amené à récolter et transformer les plantes dans le respect des règles de sécurité, d’hygiène et de protection de l’environnement. Pour ce faire, il utilise les techniques de production adéquates et suit rigoureusement toutes les procédures de fabrication et de contrôle de la qualité.” (IFAPME)

L’herboriste comme producteur

En Belgique, hors des dictionnaires “officiels”, l’herboriste peut également être producteur et transformateur, comme le décrit la Fédération Européenne d’Herboristerie en décrivant les différentes disciplines liées au métier :

“la production, la transformation et la distribution des plantes médicinales ; l’enseignement de l’herboristerie et de la phytothérapie; la création de jardins médicinaux; l’ethnobotanique et l’ethnopharmocognosie; l’étude d’anciens ouvrages relatifs aux plantes; la promotion de la connaissance et de l’usage des plantes médicinales”. (FEH)

Plus précisément, selon Philippe Andrianne, qui chapeaute la FEH, l’herboriste est :

“théoriquement celui qui va de la plante au produit fini. Il va récolter ses plantes, il les sèche, il les coupe, il les conserve, il les conditionne, […]  donc il est capable de vraiment contrôler toutes les étapes de production. Ca c’est le côté idéal de l’herboriste, on ne sait bien sûr pas fabriquer tous ses produits soi-même sinon ça prendrait énormément de temps et d’énergie. Donc la plupart des herboristes achètent une partie des produits soit en vrac soit terminés et surtout il va conseiller les plantes à bon escient à la personne qui vient demander soit une plante soit des conseils de santé”. (Philippe Andrianne pour Santé Naturelle)

On retrouve la dimension de conseil, de vente… Mais la culture est aussi mise en avant et comme il le souligne, cela demande énormément d’énergie. C’est même un tout autre métier, et c’est d’ailleurs sous cet angle que se voit l’herboriste en France : la plupart des études liées à ce métier s’axent sur l’agriculture, comme le montre par exemple le programme de l’Institut Français d’Herboristerie.

Un métier différent, qui nécessite parfois d’autres termes afin d’accentuer la différenciation… Nous voyons souvent utilisé (mais parfois rejeté) le néologisme “tisanier” (qui littéralement désigne la tasse à couvercle destiné à la préparation de tisanes), “paysan-producteur” en France avec le Syndicat des simples, ainsi que “paysan-herboriste” au Québec avec la Guilde des Herboristes et en France avec la Fédération des Paysan.ne.s Herboristes.

L’herboriste comme professeur

Danielle Jadoul à Herbes Essentielles (Rixensart)

Comme l’a souligné le descriptif de la FEH, souvent, sur le terrain, l’herboriste qu’il soit vendeur ou producteur adopte la posture du formateur ! Pour initier leur public souvent désireux de découvrir les bienfaits des plantes, faire découvrir la complexité de leur métier, ceux-ci mettent en place des ateliers et formations (et nous ne ferons pas exception), théoriques et/ou pratiques. 

Mieux encore, c’est aussi l’occasion de partages et de rencontres qu’il est parfois difficile de nourrir suffisamment lorsqu’il y a des exigences aux champs ou dans la boutique. Enfin, il faut aussi l’avouer, les ateliers sont aussi l’occasion de satisfaire le plaisir de préparer les plantes, les transformer car ces pratiques sont strictement encadrées légalement.

Quid des phytothérapeutes ?

Le phytothérapeute, ou herboriste-thérapeuthe au Québec, est un autre terme qu’on rencontre lorsque l’on s’intéresse aux plantes et désigne un autre métier, parfois mis en parallèle de celui d’herboriste, que l’on peut facilement confondre lorsque l’on n’est pas initié. 

Revenons à nos dictionnaires :

Le TLFI définit le phytothérapeute comme “Médecin qui soigne par les plantes”, quand le Larousse, plus prudent sur la référence à la médecine, le décrit comme un “Spécialiste des traitements par les plantes”. Le terme est absent du Robert…

La nuance est ici dans l’aspect “médical”, le traitement qu’apporte un phytothérapeute par rapport à un herboriste, qu’il soit vendeur ou producteur : il se définit avant tout comme un thérapeute, pas toujours médecin (la différence est de taille en termes légaux!) qui s’occupe des moyens propres à guérir ou à soulager les maladies à base de plantes.

Un phytothérapeute peut aussi être herboriste et inversement, mais l’un n’implique pas forcément l’autre. Il est donc possible de rencontrer un phytothérapeute qui n’a jamais eu de sincère contact avec la plante qu’il conseille (en dehors de la théorie), comme un herboriste qui n’aura pas les connaissances anatomiques et physiologiques suffisantes ou même le temps pour conseiller les plantes avec finesse.

Conclusion

Voilà j’espère vous avoir aidé à faire ce tour des rôles qu’adoptent les herboristes, et la complexité de ce qui est en jeu parfois. Nous rencontrons sous ce terme des commerçants (avec comptoir, sur les marchés..), des formateurs, des agriculteurs, cueilleurs, transformateurs… tous avec des contraintes matérielles et légales différentes.

La législation liée au métier d’herboriste, complexe, fera par ailleurs l’objet d’un article bien plus approfondi !

Sources (dans l’ordre d’apparition – consultées le 30-6-2021)

https://www.cnrtl.fr/definition/herboriste
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/herboriste/39642
https://dictionnaire.lerobert.com/definition/herboriste
https://fr.wikipedia.org/wiki/Herboriste
https://fr.wiktionary.org/wiki/herbologie
https://www.ifapme.be/formations/chef-dentreprise/herboriste
https://www.feh.be/lherboriste/
https://www.youtube.com/watch?v=V3BrHwmULz0
https://www.institut-francais-herboristerie.fr/formation-professionnelle/les-matieres/
https://dictionnaire.lerobert.com/definition/tisaniere
https://www.syndicat-simples.org/71-2/
http://www.guildedesherboristes.org/la-guilde/mission/
https://paysans-herboristes.org/qui-compose-la-fph/
https://www.cnrtl.fr/definition/phytoth%C3%A9rapeute
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/phytoth%c3%a9rapeute/60667

Crédits photo :

Merci à Louise, Marie-Emmanuelle, Danielle et Jess pour leurs superbes photos !

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